Washington a donné son feu vert à l’Ukraine pour utiliser des missiles longue portée américains afin de frapper le territoire russe, a confié dimanche un responsable américain à l’AFP. Cette décision marque une réponse à une demande de longue date de Kiev, et intervient à un moment charnière, alors que Joe Biden s’apprête à quitter la Maison Blanche et que Donald Trump, critique virulent de l’aide américaine à l’Ukraine, pourrait faire son retour.
Selon trois sources informées de cette décision, l’administration Biden a levé les restrictions qui empêchaient jusqu’à présent l’Ukraine d’utiliser des armes américaines pour des frappes en profondeur sur le territoire russe. Kiev se prépare à lancer ses premières attaques à longue portée dans les prochains jours, ont précisé ces sources, sans fournir de détails pour des raisons de sécurité opérationnelle.
De son côté, la Maison Blanche a choisi de ne pas commenter cette décision.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a accueilli cette annonce avec prudence, se limitant à déclarer que ces armements « parleront d’eux-mêmes ».
Lors de son allocution du soir, il a souligné l’importance de la « capacité longue portée » pour son armée, tout en observant : « Aujourd’hui, de nombreux médias rapportent que nous avons reçu l’autorisation de prendre des mesures appropriées. Mais les frappes ne se mènent pas à l’aide de mots. Ce genre de choses ne se proclame pas. »
La décision de Joe Biden, prise à un peu plus de deux mois de la transition présidentielle prévue pour le 20 janvier, répond à une requête persistante de Volodymyr Zelensky : pouvoir utiliser des armes américaines pour frapper des cibles militaires bien au-delà des frontières ukrainiennes.
Les missiles concernés, d’une portée de plusieurs centaines de kilomètres, permettraient à l’Ukraine de viser des infrastructures logistiques, des bases militaires russes, et des aérodromes utilisés par les bombardiers ennemis. Selon le New York Times, qui cite des responsables américains anonymes, les missiles ATACMS fournis par Washington devraient initialement être déployés contre des cibles dans la région russe de Koursk, où des soldats nord-coréens sont venus en renfort des troupes russes. Toujours d’après ces sources, cette décision américaine a été motivée par le déploiement de ces forces nord-coréennes.
La décision a été saluée par Varsovie, tandis que plusieurs pays, jusqu’à récemment, s’opposaient à une telle mesure par crainte de provoquer une escalade avec Moscou. Vladimir Poutine avait d’ailleurs averti que cela équivaudrait à « placer les pays de l’Otan en état de guerre contre la Russie ».
Cette initiative des États-Unis pourrait inciter d’autres alliés à suivre le mouvement, à commencer par le Royaume-Uni. En revanche, le chancelier allemand Olaf Scholz, malgré le rôle de l’Allemagne en tant que deuxième fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine, persiste à refuser la livraison des missiles longue portée Taurus réclamés par Kiev.
La Pologne, voisine et alliée indéfectible de l’Ukraine, a vivement applaudi la décision prise par les États-Unis.
« Face à l’entrée en guerre des troupes nord-coréennes et à l’intensification des attaques de missiles russes, le président Biden a répondu dans un langage que Vladimir Poutine comprend », a déclaré Radoslaw Sikorski, chef de la diplomatie polonaise, sur X.
L’annonce américaine coïncide en effet avec l’une des offensives les plus massives menées par la Russie contre l’Ukraine ces derniers mois.
Une décision stratégique aux effets incertains
Si certains responsables américains restent sceptiques quant à l’impact de cette décision sur la trajectoire globale du conflit, elle pourrait néanmoins renforcer l’Ukraine à un moment critique, où les forces russes continuent de progresser. Cette mesure pourrait également améliorer la position de Kiev en cas de futures négociations de cessez-le-feu.
Il reste toutefois incertain que Donald Trump, une fois investi le 20 janvier, revienne sur cette décision. Bien qu’il ait critiqué à plusieurs reprises l’ampleur de l’aide américaine à l’Ukraine et promis de mettre fin à la guerre « en 24 heures », il n’a pas détaillé comment il compte y parvenir.
La levée des restrictions bénéficie par ailleurs du soutien de certains élus républicains au Congrès, qui plaidaient depuis longtemps pour que Joe Biden permette à l’Ukraine d’utiliser ces armes stratégiques.
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